''J'ÉTAIS DANS LE “MAB” DANS LES ANNÉES ‘70''

 
 

*** La série “J’étais dans le “MAB” donne la parole à ceux et celles qui l’ont fondé et perpétué. Retour dans les années 1970, 1980 et 1990, l’instant d’un entretien. Afin de prendre le pouls de chaque époque et savoir ce qu’ils et elles ont retenu de leur implication au sein du Monde à bicyclette. ***

Alors que Jacques Desjardins s’apprêtait à créer une association cycliste militante c’est étonnamment dans un contexte post crise d’octobre 1970 où les communautés anglophones et francophones se rallient rarement, qu’il fusionne avec un groupe similaire du nom de Citizens on Cycles, une initiative de Robert ‘’Bicycle Bob’’ Silverman. Jacques opte cependant pour une francisation du nom, en proposant « Le Monde à bicyclette ». Les pionniers de la mobilité active sont ainsi rassemblés sous une nouvelle égide francophone.

Jacques, qu’est-ce qui t’a mené vers le mouvement cycliste urbain ou plutôt à participer à sa création ?

Mon implication dans le mouvement cycliste urbain date de 1974-1975 avec la Fédération Québécoise de cyclotourisme - qui deviendra Vélo Québec en 1979 - Cette incursion m’a fait prendre conscience du potentiel immense du vélo pour transformer la ville, ce que les dirigeants de la fédération ne voulaient pas voir à l'époque.


Quelle était la perception de ton entourage par rapport à ton implication dans le Monde à bicyclette ?

Plutôt sympathique. Je n’ai pas eu d’objection pour inclure une sortie d’église en tandem lors de mon mariage. Lors de la rencontre de ce qui deviendra le MAB en début mai 1975, j'ai proposé que notre mariage, prévu le 17 mai, devienne le premier geste public du mouvement. Les militants de "Citizens on cycles" ont embarqué. Puis Diane Perreault, alors éditrice de Cyclo Nouvelles, a accepté, tout comme nos deux familles. Ce fut un véritable énoncé public en faveur de la "ville écologique" tant dans les quotidiens "Le Jour" que "The Gazette". 

En Une du journal The Gazette, le 20 mai 1975“Notre sortie de l'église de St Joseph-du-Lac. On avait déclaré que Montréal était trop pollué par les voitures pour qu'on s'y marie. On était partie en voyage de noce au Maine en autobus avec nos vélos dans la soute à bagage. Les décapotables à essence s'étaient déjà éculées!”  - Jacques Desjardins

En Une du journal The Gazette, le 20 mai 1975

“Notre sortie de l'église de St Joseph-du-Lac. On avait déclaré que Montréal était trop pollué par les voitures pour qu'on s'y marie. On était partie en voyage de noce au Maine en autobus avec nos vélos dans la soute à bagage. Les décapotables à essence s'étaient déjà éculées!” - Jacques Desjardins

Est-ce que ton passage dans les premières années du Monde à bicyclette a encore un impact sur ta vie?  

Ça c’est certain. Oui, d’une part, car j’utilise le vélo comme moyen de transport principal en ville depuis cette époque (en fait, depuis toujours). En second lieu, car ça m’a politisé de façon très concrète, en réalisant que la politique c’est des idées, de l’action et des enjeux bien palpables. En 1987, je démarrais envers et contre les ONG de développement international, un mouvement de lutte des droits humains pour les Haïtiens vivant en République dominicaine. La pensée, les stratégies et l’audace du Monde à bicyclette de « penser en dehors de la boîte » m’ont alors beaucoup inspiré. En troisième lieu, en m'installant depuis 1979 dans le quartier de naissance du Monde à bicyclette, soit le quartier portugais à l'ouest du Plateau-Mont-Royal. 

Suite à ta participation à la manifestation contre les changements climatiques en 2019, tu nous as fait part que cela t’avait fait revivre l’énergie des foules du Monde à bicyclette allant parfois jusqu’à 8000 cyclistes !  Qu’as-tu à partager aux lecteurs là-dessus ?

Ce fut, en effet, un peu euphorique. Je me retrouvais exactement là où le mouvement avait pris son envol en juin 1975 puis juin 1976 et 1977. À l’époque on était quelques milliers qui provenaient tous des quartiers environnants. En septembre 2019, j’étais avec un demi-million de personnes. C’était devenu un mouvement planétaire et incontournable au Québec même. Mais comme tous les vieux militants écologistes, ça fait surgir à la fois beaucoup d’amertume pour ces années de traversée du désert. Pourquoi on ne nous a pas écouté à l’époque? On serait sorti du marasme climatique aujourd’hui. Là, il est trop tard. On va sauver notre ville, où on agit, mais on ne sauvera pas une planète viable. 

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Jacques Desjardins n’a pas seulement été des initiateurs du Monde à bicyclette mais a aussi lancé en 2014 l’idée de créer le comité bénévole Encore du monde à bicyclette qui a pour mandat de faire connaître et reconnaître l’héritage du défunt groupe militant. 

Toujours très généreux de son temps, de ses réflexions et de ses aptitudes d’analyse, nous le remercions chaleureusement pour sa grande confiance en nos capacités. En vous souhaitant de faire la rencontre de Jacques et ses acolytes pour poursuivre d’enrichissantes discussions menant à refaire le monde, ou d’abord la ville, de façon paisible.

Jacques, tout sourire, à l’inauguration du parc d’éducation cycliste Le Petit Jardin du Monde à Bicyclette en septembre 2020. Photo : Alice Beaubien   @alicebeaubien_photography

Jacques, tout sourire, à l’inauguration du parc d’éducation cycliste Le Petit Jardin du Monde à Bicyclette en septembre 2020.

Photo : Alice Beaubien @alicebeaubien_photography

 
 
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